Voitures électriques : révolution ou aberration ?

Dans cet article, je vous propose de faire l’analyse de 2-3 idées relatives aux voitures électriques.

Voitures électriques ou à hydrogène ?

La question de l’hydrogène ou de l’électrique semble être un faux débat. Dans les deux cas, il s’agit d’un vecteur d’énergie et non d’une énergie à proprement parler.

L’électricité est produite actuellement par un mix de nucléaire, de gaz, de charbon, de renouvelables (vent, soleil, eau) et de biomasse. Pour que la consommation liée aux voitures soit peu émettrice de CO2, il convient d’augmenter fortement la part relative dans le mix énergétique aux énergies renouvelables.

L’hydrogène peut aussi être produite par ces mêmes sources d’énergie. Cependant, actuellement, près de 95 % de l’hydrogène est fabriqué à partir d’énergies fossiles (gaz, pétrole) et du bois. Ce n’est donc pas un vecteur d’énergie propre.

L’hydrogène peut également être produit à partir d’électricité par l’électrolyse de l’eau (H2O). Cette solution n’est actuellement pas compétitive. De plus, il faut d’abord produire l’électricité avant de produire l’hydrogène. Du fait de ces deux étapes, le rendement est inévitablement moins bon.

Infrastructure électrique pour l’alimentation de l’électromobilité

L’objectif politique actuel en matière de transport est de viser le tout électrique pour les voitures.

Pour la Belgique, j’ai déjà fait le calcul dans un article précédent où j’évoquais la sortie du nucléaire. On arrive ainsi à une consommation énergétique moyenne du parc automobile tout électrique de 17 TWh par an. Soit une augmentation de 20,8 % de la consommation électrique du pays sur base des chiffres de 2016.

En reprenant les mêmes données de calcul (0,2 kWh/km et 15000km/an par voiture), voyons ce que cela donne pour la France. Pour les 39,5 millions de voitures, on arrive à près de 118,5 TWh à ajouter à la facture annuelle ! Sur base de la consommation électrique annuelle totale de 473 TWh en 2016, un parc automobile entièrement électrique amènerait une augmentation de 25,1 %.

A titre informatif, on peut comparer ces chiffres à la consommation liée aux énergies renouvelables. Ce qui donne en Belgique 8TWh et en France 101,4 TWh pour l’année 2016.

Ces chiffres nous permettent de constater que ce n’est pas une idée complètement folle. Néanmoins, il va falloir prévoir de fameux investissements. Comme indiqué dans mon article sur la sortie du nucléaire en Belgique, il va falloir envisager 2 points :

  • Investir massivement dans les énergies renouvelables ;
  • Réduire massivement la consommation actuelle.

Réseau de bornes électriques

De plus, si on veut développer la mobilité électrique à grande échelle, il est également nécessaire de développer un important réseau de bornes de recharge.

Actuellement, il existe différent type de bornes. La différence est principalement liée à la puissance maximale offerte par la borne. La durée de chargement étant étroitement liée à cette puissance. Plus celle-ci est élevée plus la batterie de la voiture pourra être rechargée rapidement.

Par facilité, la recharge se fera préférentiellement à domicile. D’après les statistiques, cela représente plus de 90% des recharges. Généralement, les solutions de recharges propose une recharge à un ampérage de 8, 10 ou 16A soit un maximum de 3,5 kW.

Avec l’augmentation souhaitée de l’autonomie des voitures électriques, la capacité de la batterie augmente également. Le temps de chargement croit également à moins de prévoir des bornes de forte puissance tel que le fait Tesla. Là où la plupart des constructeurs ne dépassent pas les 50 kW, Tesla propose des superchargeurs de 120 kW ou même davantage. On parle de superchargeurs de 350 kW.

Des chargeurs à 3,5kW posent peu de problèmes pour la gestion du réseau électrique. La consommation n’est en effet pas bien différente de celle de plaques à induction ou d’un gros four. Par contre des chargeurs qui tirent 350 kW durant 15-30 minutes risquent de poser quelques soucis au gestionnaire du réseau électrique ! Si on veut éviter les pointes de consommations sur le réseau il va falloir prévoir également des batteries près des chargeurs afin de stocker l’énergie pour permettre un lissage de la consommation de ces chargeurs.

Connecteurs des bornes de recharge

Par ailleurs, et malheureusement, les constructeurs de véhicules électriques ont du mal à se mettre d’accord sur le type de connecteur à utiliser. Ainsi, il existe plusieurs modèles différents. Cela nuit à la rapidité de déploiement d’un réseau national/européen compatible avec l’ensemble des véhicules électriques. Actuellement, on rencontre principalement des connecteurs de type 1, 2, 3, CCS, Chademo. Ces prises fonctionnent soit en monophasé soit en triphasé. Elles permettent une recharge en courant alternatif ou continu. Bref, il conviendra à un moment de mettre tous les constructeurs autour d’une même table pour imposer un choix technique unique de préférence le plus pertinent.

Les voitures électriques et les métaux rares

Comme la plupart des technologies modernes, vertes et/ou numériques, les voitures électriques consomment beaucoup de métaux rares pour leur fabrication.

L’impact environnemental d’un véhicule électrique est plus faible lorsqu’il roule car il ne consomme pas de gazole/diesel ni d’essence. Néanmoins, dans un pays où l’électricité est principalement produite à partir de charbon, comme en Pologne par exemple, le choix du véhicule électrique n’est pas pertinent.

Au niveau de la fabrication du véhicule par contre, la voiture électrique est généralement 3x plus polluante que la production d’une voiture équivalente à moteur thermique. La batterie nécessite du cobalt ou du lithium par exemple dont l’extraction est grande consommatrice d’énergie et polluante. De plus, les nombreux capteurs et équipements électroniques nécessaires au bon fonctionnement de ce type de véhicule nécessite également des métaux dont l’extraction est fortement polluante et nécessite beaucoup d’énergie.

Si vous souhaitez en savoir davantage, Guillaume Pitron a écrit un très bon livre sur le sujet : “La guerre des métaux rares – la face cachée de la transition énergétique et numérique”. Je vous le recommande.


Photo de couverture : Pixabay.com