Un quota de CO2 par personne, ça donnerait quoi ?

Et si on imaginait un quota de CO2 par personne ? Un quota qui serait identique pour chaque être humain sur terre. Peu importe son âge, son sexe, son origine ethnique, sa richesse, …

Je m’étais posé cette question il y a quelques années et j’en avais sorti un petit article.  Comme les chiffres dataient de janvier 2012, je les ai actualisé avec les derniers disponibles. Si les chiffres ont changés, la conclusion est malheureusement toujours la même ! On consomme toujours beaucoup trop par rapport aux capacités de notre écosystème. Et la situation s’est d’ailleurs dégradée ! Les mesures prises sont toujours trop faibles.

Le réchauffement climatique devrait être considéré comme de première importance. Il faut toutefois noter que le problème du CO2 n’est qu’un problème parmi d’autre. D’autres sujets comme la disparition de nombreuses espèces, la pollution des sols, de l’air et de l’eau, … doivent aussi être traités en priorité !

Mais revenons à nos moutons et concentrons-nous sur un seul sujet pour le moment : la question du CO2 (ou équivalent CO2 pour être plus précis).

Pour mieux comprendre le concept du quota de CO2, revenons d’abord sur le cycle du carbone.

Le cycle du carbone sans l’influence humaine

Avant d’imaginer ce que pourrait être un quota annuel de CO2 par personne, je vais d’abord vous faire un petit rappel sur le cycle du carbone.

Le carbone est le constituant majeur de 2 gaz à effet de serre : le CO2 et le CH4 (méthane).

Le cycle du carbone reprend l’ensemble des échanges de carbone entre l’atmosphère, la biosphère (plantes, animaux, …), l’hydrosphère (océans, mers, lacs, …) et la lithosphère. La lithosphère constitue la partie superficielle de la terre et forme les plaques rigides de la tectonique des plaques. Elle correspond à deux enveloppes superposées : la croûte (océanique ou continentale) et le manteau supérieur rigide. Elle fait 60-70 km d’épaisseur sous les océans et 100 km sous les continents.

Cycle du carbone
Schéma représentant le cycle du carbone

Comme vous pouvez le voir sur le schéma ci-dessus, les échanges entre l’atmosphère et la biosphère sont relativement neutre (62 Gt/an de carbone pour la photosynthèse contre 60 Gt/an de carbone pour la respiration). Pour rappel, une gigatonne (Gt) correspond à  1000 milliards de kg.

De même les échanges avec l’hydrosphère sont également assez neutre (92 Gt/an pour la dissolution du carbone dans l’eau et 90 Gt/an pour le dégazage de celui-ci par les océans).

Nous avons aussi quelques émissions de carbone liées à l’activité volcanique.

À côté de cela, quelques échanges avec la lithosphère ont lieu sous forme de fossilisation et de sédimentation.

Voilà pour les émissions naturelles. On arrive donc à un relatif équilibre avec 150,1 Gt/an d’envoi de carbone dans l’atmosphère pour un retour de 154 Gt/an. On peut donc estimer une diminution naturelle de carbone dans l’atmosphère d’environ 3-4 Gt/an.

Et avec nos émissions ?

C’est sans compter les échanges liés à l’activité humaine. Ces émissions supplémentaires proviennent principalement de trois sources :

  • La déforestation (déboisement, feux de forêts, …).
  • La combustion des énergies fossiles (charbon, gaz, pétrole) directement extraites de la lithosphère. Cette combustion émet principalement du CO2.
  • Les émissions de méthane (CH4).

On peut compter un impact de 4,8 Gt/an de CO2 environ lié à la déforestation.
Pour la combustion des énergies fossiles et les cimenteries, les émissions de CO2 étaient en 2015 de 36,3 Gt. Ce qui correspond à une émission de 9,9 Gt de carbone. (La Belgique est responsable de 0,35 % des émissions de CO2 mondiales alors que sa population représente 0,15 % de la population mondiale.)
Concernant les émissions de méthane, les connaissances scientifiques encore limitées sur le sujet (et notamment sur les puits de méthane) ne permettent pas de déterminer précisément l’impact sur le réchauffement climatique des 500Mt émis par an. Parmi ces 500 Mt, 3⁄4 sont d’origine anthropique et se décomposent comme suit :

  • 38 % liés à l’agriculture (élevage de bétail et culture du riz) ;
  • 33 % liés à l’exploitation et la distribution des combustibles fossiles (pétrole, gaz, charbon) ;
  • 23 % liés à l’enfouissement des déchets et au traitement des eaux usées ;
  • 6 % liés à d’autres sources (principalement les industries et les feux de forêt).

Nous négligerons donc l’effet du méthane sur le cycle carbone mais sachez qu’il représente environ 15 % de l’impact des gaz à effet de serre.

Et au final ?

Pour conclure cette analyse du cycle du carbone, on a donc une diminution naturelle de carbone dans l’atmosphère d’environ 3 Gt/an et une augmentation liée à l’homme de 1,9 Gt/an (déforestation) et de 9,9 Gt/an (énergies fossiles).
Ce qui nous donne une augmentation annuelle d’environ 9,9 + 1,9 – 3,0 = 8,8 Gt/an de carbone ! (ou 7,8 Gt/an si on considère 4 Gt pour l’absorption naturelle)

Ce chiffre augmente d’ailleurs constamment notamment du fait de la forte croissance économique dans les pays en développement tels que la Chine et l’Inde principalement.

Or on sait que pour avoir un impact neutre sur le climat, il faudrait avoir une augmentation nulle ou négative, soyons fous ! Et pas une augmentation de plusieurs milliards de tonnes comme actuellement.

La question est : que doit-on faire ?

Quota de CO2

La réponse est simple, il suffit de rester sous les 3-4 milliards de tonnes pour qu’il n’y ait plus d’accumulation. Cependant, l’idéal serait d’être en dessous des 3 milliards de tonnes puisque ça permettrait de compenser ce qu’on a déjà émis. A long terme, on pourrait envisager de revenir ainsi à un équilibre d’avant l’ère industrielle (280 ppm en 1750 pour 392 ppm en 2011 et maintenant 403 ppm en 2016).

Émissions de CO2 des énergies fossiles entre 2000 et 2017 selon le GCP
Émissions de CO2 des énergies fossiles entre 2000 et 2017 selon le GCP

Pour rester sous les 3-4 milliards de tonnes, imaginons un quota de CO2. Comme on se veut égalitaire, on va dire que le quota sera le même pour chaque personne.
Donc, aux dernières nouvelles, nous sommes environ 7,5 milliards de personnes sur cette planète (et ça augmente de 400 millions de personnes tous les 5 ans).
Si on fait un rapide calcul, ces 3 milliards de tonnes de carbone correspondent à 11 Gt de CO2 qu’il s’agit de diviser par 7,5 milliards, ça nous donne un maximum de 1466 kg de CO2 par personne.

Un quota de CO2 de 1466 kg/an, ça correspond à quoi ?

Maintenant pour vous donner une idée de ce que représente 1466 kg ou environ 1,5 t de CO2 par personne et par an, je vais vous donner un exemple très simple.

En 1990, l’année qui sert de référence, les émissions étaient de 9,3 t pour l’UE des 28. On avait 12,0 t pour la Belgique et 7,0 t pour la France. Il faudrait donc envisager une diminution globale de 84 % pour l’UE, 88 % pour la Belgique et de 79 % pour la France.

Les émissions de CO2 par habitant en 2012 étaient de 9,1 t en Belgique et 5,7 t en France. Celle de l’UE des 28 est de 7,4 t de CO2 par habitant. Il faudrait donc encore envisager une réduction de près de 84 % en Belgique et de 74 % en France.

Les chiffres repris ci-dessus sont ceux d’Eurostat. Les données reprises dans le rapport “Les chiffres clés du climat – France et Monde – édition 2017” sont plus faibles. Et j’imagine que dans d’autres rapports les chiffres seront encore différents. Je considérerai donc les valeurs les plus élevées.

Sachant que l’objectif affiché par l’Union Européenne correspond à une réduction de 80% des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050, par rapport aux niveaux de 1990. Pour améliorer ses chances d’y parvenir l’Union européenne s’est d’ailleurs fixée, en 2014, les objectifs intermédiaires de 40% de réduction d’ici à 2030 et 60% d’ici à 2040.

Les calculs que j’ai effectué ci-dessus semblent donc confirmer l’objectif européen de 80 %. Cet objectif a été déterminé il y a quelques années déjà. Au vu de la croissance continue des émissions mondiales, il faudrait vraisemblablement le réévalué si l’objectif est bien d’être “neutre en CO2”.

Mieux comprendre ce que représente ce quota

Afin de donner une idée de ce que représente le quota qu’il faudrait envisager, prenons un exemple qui parlera à tout le monde.  Les émissions liées à l’automobile. Selon les sources, en France et en Belgique, les voitures parcourent environ 13 à 17000 km par an. Tablons sur 15000 km et prenons une voiture récente en exemple soit 100 gCO2 par km. Ce qui nous amène à 1500 kg de CO2 par an !

Avec une voiture neuve et en ne faisant que 15000 km par an, on dépasse donc le quota !!!

Or il nous faut en priorité manger, boire, se loger, s’habiller, etc.

Pour l’alimentation, par exemple, une étude a analysé l’impact CO2 de votre alimentation.
En moyenne, une alimentation classique de 2000 kcal par jour représente 1524 kg de CO2 par an. Une alimentation végétarienne représente 966 kg CO2 par an tandis qu’une alimentation hyper-protéinée représente 3537 kg CO2 par an.

On peut prendre d’autres exemples.

Ainsi, 1466 kg de CO2 par personne et par an ça correspond environ aussi à 120 kg de bœuf, 2 000 litres de lait, 1 vol en avion Paris/New York (aller/retour), le tiers de la fabrication d’une petite voiture, etc.

Il faut être conscient que si l’on se veut équitable, tout consommateur qui dépasse ce quota de 1466 kg prend nécessairement sur la part des autres humains mais aussi sur celle des générations à venir.

Les objectifs européens à court terme

On l’a vu plus haut dans l’article, l’objectif européen pour 2050 est de baisser les émissions de CO2 de 80 %. Par ailleurs, le plan climat adopté en 2009 par l’Union européenne prévoit un objectif « 20/20/20 ».

Cet objectif, prévu pour 2020, vise à :

  • Faire passer la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique européen à 20%
  • Réduire les émissions de CO2 des pays de l’Union de 20%
  • Accroître l’efficacité énergétique de 20%

C’est bien, mais en comparaison aux 84 % cités plus haut dans cet article c’est insuffisant. Si on en croit les objectifs, il faudra attendre 2050 pour réduire de 80 % les émissions par rapport à 1990. Vu comme il semble difficile d’atteindre les objectifs de 2020, cela n’augure rien de bon pour la suite. Peut-on d’ailleurs se permettre d’attendre 2050 ?

Et cela ne suffira pas non plus à compenser les augmentations des pays en développement comme la Chine ou l’Inde par exemple. Augmentations qui sont directement liées à notre mode de vie. Ces pays sont devenus en partie les usines de l’Europe. On a donc juste externalisé les émissions de CO2 vers ces pays. La diminution des émissions chez nous ne doit donc être analysée qu’en tenant compte de cet état de fait.

Ce qu’il faut en retenir

Malgré les chiffres qui peuvent être discutés, ce qu’il faut retenir c’est l’ordre de grandeur. Les chiffres varient un peu en fonction des sources mais sont globalement similaires. Mais l’important, c’est qu’on est autour des 1500 kg de CO2 par personne et par an. Si l’imprécision des chiffres amènent à 1000 ou 2000 kg, cela ne change pas foncièrement les choses. On est de toute façon largement au dessus !

Il est donc temps d’agir et de prendre le taureau par les cornes ! C’est maintenant qu’une révolution de nos modes de vie doit avoir lieu. Pas dans 20, 30 ou 40 ans où il sera probablement trop tard !


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