Sortir du nucléaire en Belgique, c’est possible ?

Il y a déjà une bonne dizaine d’années, il était prévu en Belgique de sortir du nucléaire entre 2015 et 2025. En arrêtant les centrales petit à petit en fonction de leur âge. Pour diverses raisons, cet échéancier a été mis à mal et l’arrêt des centrales n’a pas commencé en 2015. Il est donc désormais prévu de sortir du nucléaire entre 2022 et 2025. Le pacte énergétique dont il est question actuellement dans les médias devrait normalement maintenir cet objectif. Croisons donc les doigts !

En ce moment, on se pose pas mal la question de savoir si on peut ou non sortir du nucléaire d’ici 2025. La réponse est assez simple : “oui, on peut !”.

Il faudrait plutôt se poser la question : “veut-on ou non s’en donner les moyens ?“.

Sortie du nucléaire : pour et contre

Le nucléaire émet peu de CO2

Pour maintenir la solution nucléaire en place, un des arguments souvent présenté par les pro-nucléaire est la faible émission de CO2 liée à cette forme de production d’électricité. Si l’on considère que la croissance économique, et donc la demande en énergie, vont continuer sur leur lancée actuelle, c’est effectivement un argument de poids. En effet, remplacer par exemple le nucléaire par des centrales au gaz  ou au charbon conduirait inévitablement à une explosion des émissions de CO2. Dans ce cas, elles seront vraisemblablement doublées.

Le remplacement par des énergies renouvelables qui sont par essence des énergies décentralisées (par opposition avec les grosses centrales thermiques) et intermittentes impliquera inévitablement une complexification de la gestion du réseau électrique. Le développement du smart-grid ou réseau intelligent devient donc indispensable.

Les déchets nucléaires, on en fait quoi ?

Certes, les traitements et le stockage des déchets nucléaires se sont améliorés nettement par rapport au passé. Pour une même production d’électricité, on a maintenant moins de déchets. Mais on en a toujours ! Et pour ceux qui restent, on n’a pas de réelle solution mis à part les enfouir dans des couches géologiques profondes. Ce qui ne résout tout de même pas le problème.

Le nucléaire et la menace terroriste

Je ne rentrerai pas dans le détail sur ce sujet car je ne suis pas en mesure de vous donner des informations pertinentes. Et même si le sujet est important, cela sort un peu du cadre énergétique proprement dit. Si le sujet vous intéresse, je vous invite à regarder le documentaire d’ARTE “sécurité nucléaire : le grand mensonge”. ARTE étant plutôt anti-nucléaire, je vous laisse seul juge de la crédibilité de ce documentaire. Néanmoins, ils évoquent les différents scénarios possibles d’attaques, de quoi vous donner un peu de matière dans votre réflexion sur le sujet.

Durée de vie des centrales

Les centrales actuelles ont été prévues pour une durée de vie de 40 ans. Cette durée a déjà été prolongée de 10 ans pour les plus vieilles centrales belges. Il est évident que ces centrales ne pourront durer éternellement. Même si on voulait poursuivre dans le nucléaire, il faudrait un jour envisager de construire de nouvelles centrales.

Alors, on les remplace par quoi ?

La solution EPR ?

La solution française EPR prévoyait initialement une durée de 5 ans de travaux et 3,3 milliards d’euros de coût. Actuellement, pour l’EPR de Flamanville, le coût a été multiplié par plus de 3. Il est actuellement chiffré à près de 10,5 milliards d’euros. Et le temps a été plus que doublé puisque dans le meilleur des cas, la fourniture d’électricité devrait commencer au second trimestre 2019. Soit 12 ans après le démarrage de la construction en avril 2007. Pour information, fin décembre 2017, ils en sont aux essais à froid (épreuve hydraulique sur le réacteur et les circuits annexes).

Pour remplacer le parc nucléaire belge, si on construit toutes les nouvelles centrales en même temps, il faudrait au minimum 12 ans de construction si on en croit les chiffres de Flamanville. On est donc déjà trop tard si on veut remplacer le parc actuel pour 2025. En attendant le remplacement, on pourrait toujours prolonger à nouveau les centrales actuelles pour peu que l’agence fédérale de contrôle nucléaire (AFCN) l’autorise.

Et pour le coût, à 10,5 milliards pour 1650 MWe, il faudrait un peu moins de 4 EPR pour couvrir la production nucléaire actuelle soit près de 40 milliards !

Qui va bien pouvoir financer une telle somme ? Engie-Electrabel qui a un résultat de -1,1 milliard en 2016 ? Celui-ci indiquant par ailleurs en 2016 que “Les prix de marché sont (…) encore à un niveau trop faible pour couvrir l’entièreté des charges qui incombent aux unités de production”. Cela parait difficile à croire.

L’État peut-être ? Mais ça risque de plomber sérieusement les comptes qui ne semblent déjà pas bien roses.

Si on en sort, on remplace par quoi ?

Comme vous le savez sans doute, il s’agit de se maintenir sous l’objectif de 2°C d’augmentation de température moyenne du globe. Et pour cela nous devons réduire nos émissions de CO2 (et d’autres gaz à effet de serre). On  peut donc abandonner l’idée de remplacer le nucléaire par une énergie fossile.

Il reste donc 2 possibilités :

  • Remplacer par une solution non (ou peu) productrice de CO2. Les énergies renouvelables sont donc à envisager dans ce cas ;
  • Réduire notre consommation.

La solution viendra de ces 2 solutions.

Il est en effet peu probable qu’on arrive, dans un délai raisonnable, à installer suffisamment de solutions renouvelables pour compenser l’entièreté de la production actuelle liée au nucléaire (plus de 41,2 TWh sur les 79,8 TWh produits au total en 2016 en Belgique). En 2016, d’après la FEBEG, on était à 8 TWh produits à partir de photovoltaïque, d’éolien et d’hydroélectricité. Cela veut donc dire qu’il faudrait multiplier par un peu plus de 6 la production de renouvelable d’ici à 2025 si on veut remplacer complètement le nucléaire. Sachant que la production renouvelable est passée de 4 TWh en 2011 à 8 en 2016, il s’agit donc d’un véritable challenge.

Il reste donc la meilleure solution qui semble beaucoup plus discrète et moins populaire : réduire notre consommation d’énergie !

Réduction de consommation ?

Réduire ainsi notre consommation électrique de plus de 50% (51,7% ou 41,2 TWh en 2016), cela parait impossible.

Par une optimisation des usages énergétiques, on peut déjà envisager un gain de l’ordre de 10-15% en moyenne. Dans certains cas, on peut aller jusqu’à 35% voire plus et dans d’autres on sera limité à quelques pourcents.

Supprimer le nucléaire sans ajout de capacité de production impliquera inévitablement une augmentation des coûts de l’énergie selon le principe de l’offre et de la demande. Une demande de l’ordre de 80TWh par an alors qu’on n’en produit que la moitié fera évidemment croître les prix. Et ce sera une bonne chose car cela nous obligera à considérer l’électricité comme un bien précieux.

La réduction de consommation présente un gros avantage : chacun peut y contribuer !

Par ailleurs, les investissements à effectuer sont moins coûteux que pour la construction d’un parc éolien par exemple. Et ils seront aussi pris en charge par bien plus de monde.

Bien souvent, le simple bon sens permettra de se passer de certaines consommations. Ainsi, des comportements qui nous paraissent tout à fait normaux aujourd’hui nous sembleront dans quelques années complètement aberrants. Prenons un exemple évident. Certains éclairages dans les magasins, même s’ils ont peut-être un impact sur les ventes, pourraient facilement être supprimés. Par exemple, une enseigne extérieure n’a aucun besoin d’être illuminée lorsqu’il fait jour ou la nuit lorsque le magasin est fermé. De même chez soi, on a souvent beaucoup de consommation inutile. Appareils en veille, chargeurs branchés inutilement, éclairage non éteint, …

Rappelons aussi l’évidente citation : “l’énergie la moins chère est celle qui n’est pas consommée !

Et la mobilité dans tout ça ?

Le modèle actuel d’évolution du parc automobile semble privilégier le choix de la voiture électrique. On peut considérer une consommation d’une voiture électrique à 0,2 kWh par kilomètre. En tablant sur une moyenne de 15 000 km par an, cela représente 3000 kWh par an et par voiture. En 2017, la Belgique compte plus de 5,78 millions de voiture immatriculées. On arriverait donc à une consommation totale du parc de plus de 17 TWh par an. Si on ne change rien à notre consommation, il faudra donc passer à près de 68 TWh de renouvelable. Soit une augmentation de 850% de la production actuelle.

Fort heureusement pour les industriels, il n’y a pour l’instant qu’un peu plus de 10 000 véhicules électriques en Belgique. Il faudra donc du temps pour atteindre un remplacement complet du parc. Cela laissera donc du temps pour le développement du renouvelable.

Dans le bilan global, il ne faudra pas oublier de tenir compte de la pollution engendrée par les batteries !

Pour conclure

Envisager la disparition du nucléaire est donc possible. Et, même, alimenter électriquement le parc automobile parait envisageable. On pourra probablement aussi dans un avenir plus lointain passer à 100% de renouvelable pour couvrir tous nos besoins électriques. D’ici 2050 peut-être ?

Pour rendre cela plus facilement réalisable, il est évident que nous devons réduire notre consommation. Tant en supprimant des consommations inutiles qu’en utilisant des solutions efficientes ! A noter que le remplacement des systèmes peu efficients par des solutions récentes doit être réfléchi. Il faut en effet considérer également l’impact global de ce changement. C’est très bien de diminuer notre consommation d’énergie mais si, pour ça, il faut produire davantage en Chine, ou ailleurs, et donc polluer davantage, ça n’a pas de sens. L’externalisation de la pollution ne réglera pas le problème global !

Toujours est-il que pour réaliser cela, il faudra mettre en œuvre une réelle volonté politique et citoyenne. Et pour l’instant, on est malheureusement encore dans un fonctionnement passéiste. Le modèle actuel est toujours le même depuis plus de 50 ans. Il est donc temps de changer de paradigme ! Place aux jeunes et aux idées neuves en politique comme ailleurs.

L’avenir est à créer ! Ayons donc une vision positive !


Photo de couverture : Pixabay.com